Les aventures extraordinaires de Guy Verchères: La Porte Rouge – Chapitre 01

Les aventures extraordinaires de Guy Verchères: La Porte Rouge – Chapitre 01

Plongez dans le Montréal de 1944 où chaque coin sombre cache un secret et où chaque page révèle un nouveau mystère. Guy Verchères, un détective intrépide, se retrouve plongé dans une enquête complexe après la découverte d’une mystérieuse porte rouge. Entre trahisons, énigmes et découvertes inattendues, ce polar captivant vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page.

Restauré avec soin, ce livre vous transporte à une époque où le suspense régnait en maître, enrichi d’illustrations inédites qui donnent vie à l’histoire d’une manière unique.

Préparez-vous à plonger dans une aventure où le passé et le présent se rencontrent, et où chaque détail compte. Bonne lecture, et laissez-vous surprendre par les révélations de Guy Verchères.

En 1944, Alexandre Huot, sous le pseudonyme de Paul Verchères, publie la première d’une série d’aventures captivantes mettant en scène Guy Verchères, le détective amateur surnommé « le millionnaire original » ou l’Arsène Lupin canadien-français. De 1944 à 1965, ses exploits prennent vie dans plus de 900 fascicules. Ancien gentleman cambrioleur devenu justicier, Guy Verchères, beau et fortuné, se range du côté de la loi. Son tempérament impétueux le pousse à se lancer dans des aventures effrénées, combattant le crime et aidant parfois son ami, le lieutenant Fortin de l’escouade des homicides de la Sûreté de Montréal. Entouré de personnages iconiques comme l’agent secret IXE-13, Albert Brien, et Diane la belle aventurière, Guy Verchères demeure l’une des figures les plus emblématiques de la littérature populaire québécoise.

Les aventures extraordinaires de Guy Verchères: La Porte Rouge

CHAPITRE 01
PAULINE

Vous connaissez mon oncle? Mais oui, certainement. Les sommités politiques et mondaines le connaissent tout comme le plus humble et le plus pauvre des Canadiens-Français. Cependant, il est tout particulièrement connu et détesté par la police, toutes les polices. Car mon oncle n’est nul autre que Guy Verchères, le grand philanthrope du mal, le voleur et homme de bien si cher à notre race et dont « Police-Journal » raconte régulièrement les prouesses qui font le désespoir des flics.

Eh bien, mon oncle Guy a l’habitude de me dire:
— Petit paquet de chaleur, quel est ton nouveau « beau » ces jours-ci?

Car, voyez-vous, je suis une grande amoureuse, une grande amoureuse des extases de l’amour. Mais je suis aussi une grande amoureuse de l’argent. C’est ce qui a fait dire un jour à mon oncle Guy:
— Pauline, tu peux bien te prendre des cavaliers pauvres, mais je jure sur la tête de ma grande amie la police, que tu ne te prendras jamais autre chose qu’un mari riche.

Il avait raison, mon oncle. Je vais me marier dans quelques jours avec un manche à balai sorti d’un frigidaire; mais ce manche à balai frigorifique vaut cinq cent mille tomates, comme on dit à Westmount.

Herménégilde Marion est tout ce qu’il y a de plus rue Saint-Jacques et Bourse de Montréal. C’est un meneur de piastres* et d’hommes, mais il a menti s’il veut me mener par exemple. Il vient d’essayer. Il croit avoir réussi. Mais il a royalement manqué son coup.

* Au Québec, le nom piastre est parfois utilisé dans la langue familière au sens de « dollar ».

— Pauline, m’a-t-il dit, il faut que tu cesses immédiatement de servir de modèle à un photographe de cartes postales. Je ne veux pas que le portrait de ma femme soit dans les poches de tous les soldats. C’est scandaleux.

Herménégilde s’est raidi alors comme dix mille manches-à-balais. J’ai baissé pieusement la tête et ai répondu:
— Je t’obéirai, mon chéri.

Car évidemment si je me suis fait photographier sur des cartes postales dans un généreux déshabillé, c’est parce que ça paye. Or comme je n’aurai plus besoin de cet argent après mon mariage, c’est un plaisir d’obéir à Herménégilde. Mon frigide fiancé me dit alors:
— Je pars pour New-York ce soir, Pauline.
— Oh! fis-je, moi qui voulais que tu viennes avec moi ce soir au party chez Frascati…
— Et qui est Frascati, Pauline?
— Mais c’est mon photographe aux cartes postales.

Herménégilde se leva alors froidement et ordonna:
— Je défends à ma femme d’aller chez ce restaquouère*.

*Individu qui étale un luxe voyant et de mauvais goût et dont les moyens d’existence sont suspects.

Je faillis bondir. Comment? Cet entrepôt frigorifique ambulant voulait m’en imposer à moi, à moi? C’était trop fort par exemple. Mais je me retins juste à temps. De nouveau je baissai pieusement les yeux:
— Je n’irai pas chez Frascati, dis-je hypocritement.

Herménégilde me quitta apparemment satisfait. Dès son départ, qui plut sans doute à mon gros chat noir Tabou, celui-ci me sauta sur les genoux.
— Hein? Tabou, dis-je, veux-tu, on va jouer un tour à ce vilain marchand de glace sentimentale?
— Miaou, approuva le matou.
— Eh bien, c’est décidé, tu vas garder la maison, moi, je vais chez Frascati. S’il pense que je vais broder comme Pénélope pendant qu’il est à New-York, il se trompe, le pôle-nord ambulant.

Car il faut vous avouer que je n’ai pas la conscience tout à fait tranquille à propos de certain acte de mon passé.

J’allais ouvrir.

—Une lettre pour vous, Mademoiselle Verchères, me dit le garçon de l’ascenseur,

Je frémis. Était-ce la lettre, la fameuse lettre, la terrible lettre? Je la décachetai. Tout de suite, je regardai la signature et faillis m’évanouir. Oui, c’était bien la missive fatale. Je lus :
« Ma chère Pauline, Mes chaleureuses félicitations. Tu maries de l’argent, du gros argent. Un mot, un seul: tu aimerais peut-être mieux me voir « lui » vendre une police d’assurance-vie qu’autre chose, une police de cent mille piastres. Je vais aller le voir demain. S’il dit oui tout sera gigolou ; mais s’il refuse je lui parlerai de certain incident dans notre vie à nous deux et du tout petit bébé qui en fut le résultat. Cela avec preuves à l’appui, comme tu le sais. Ton ancien cavalier, Charlie. »

Je me regardai dans le miroir et je me rappelai mon père sur sa couche funèbre. En effet, j’étais pâle comme une morte. Il y avait de quoi. J’avais la mort dans l’âme. Charlie Cohen. Combien je l’avais aimé! Jusqu’à commettre l’irrémédiable faute avec lui. Il était indigne de mon amour, le salaud. Dès qu’il avait connu ma position, il m’avait laissée là comme une serviette sale. Je l’avais prié, supplié de me marier. Mais il avait refusé carrément.

Ah ! pourquoi lui avais-je écrit cette lettre déchirante dans laquelle je lui annonçais la naissance prochaine de mon bébé ? Quand le petit mourut quelque temps après sa naissance, je me crus de nouveau libre. Hélas, je comptais sans Charlie Cohen, le racketeer, le criminel, le maître-chanteur. Il avait conservé la lettre fatale, et maintenant il s’en servait pour me faire chanter. Je murmurai, découragée:
— Si Herménégilde apprend ma faute, il me redemandera ma bague de fiançailles. Que faire?

Non, je ne céderais point. J’ai un petit revolver. Et un permis de le porter. J’allais menacer Cohen de mort. Peut-être aurait-il peur et me laisserait-il tranquille.

Je poussai un petit cri. Je venais d’avoir une idée. Mon oncle Guy… Verchères le tout-puissant, celui qui réussissait toujours dans les plus téméraires entreprises… Si je m’adressais à lui, il m’aiderait, me sauverait sûrement. Ma figure s’assombrit. C’est que si je requérais son aide il faudrait que j’avoue ma faute. Je me sentais littéralement incapable de cela. Mon oncle m’estimait tant que je ne voulais pour rien au monde baisser dans son estime.

Je réfléchis… Oui, c’était cela. Si j’usais d’un stratagème. Mais d’abord, il me fallait cacher la lettre de Charlie Cohen. Car je ne voulais pas la détruire ; elle pourrait peut-être servir à prouver devant les tribunaux criminels sa tentative de chantage.
Je plaçai la missive maudite sous le tapis de la table de mon boudoir. Puis je me dirigeai vers mon téléphone et appelai le numéro secret de mon oncle Guy. Ce fut son historiographe Paul Verchères qui me répondit. Il était en verve comme d’habitude :
— Oui, petite Pauline aux yeux verts, petit cœur en sucre d’érable, oui, dit-il, le célèbre Guy, ton oncle, est ici.

Je l’entendis qui disait à notre voleur et homme de bien national :
— C’est ta chaste nièce qui désire te parler. Daigneras-tu, ô Guy, t’emparer de l’acoustique téléphonique ?

Puis la voix chaude de mon oncle me parvint :
— Allô, petite Pauline, dit-il, comment ça va ?

Tout de suite, j’entrai dans le vif de mon sujet :
— Mon oncle Guy, j’ai besoin de vous. Pour une de mes amies. Tout de suite.
— Elle est mal prise ?
— Oui.
— La police est à ses trousses ?
— Non, mais la police devrait bien se mettre aux trousses de celui qui la persécute.

Guy Verchères rit :
— Donc pour une fois, dit-il, je vais travailler avec la police. Tu demeures toujours à la même place, Pauline ?
— Oui.
— Très bien, dans cinq minutes, je serai chez-toi.

Il le fut dans quatre. Dès son entrée, il me scruta longuement des yeux. Je me sentais mal à l’aise et j’étais toujours portée à fixer l’endroit où j’avais caché la lettre. Enfin, mon oncle me demanda :
— Raconte donc, ma petite.

Je lui relatai l’affaire en la mettant sur le dos de mon amie imaginaire.
— Quel est le nom de la jeune fille et le nom de l’écoeurant? demanda-t-il.
— Oh! mon oncle, fis-je, je ne puis vous dire cela. Je suis liée par le secret le plus absolu.

Il eut un geste d’impatience :
— Mais, dit-il, je ne puis toujours pas m’occuper de cette affaire sans connaître les noms des parties en cause. Que veux-tu de moi, Pauline?
— Un conseil, mon oncle.
— Explique-toi.
— Mon amie désirerait savoir si, avec la lettre incriminatrice, elle pourra faire arrêter le maître-chanteur sans que son futur mari le sache.

Mon oncle répondit tout de suite :
— Je crains bien que ce ne soit impossible.
— Comment ça?
— L’accusé sortira sans doute sous caution et alors il se fera un devoir de dénoncer ton amie à son futur.
Il y eut un long silence. Ah! la maudite lettre, pourquoi ne pouvais-je m’empêcher de regarder à l’endroit où elle était cachée?
— Mon oncle, dis-je à la fin, je vais communiquer avec mon amie et j’insisterai pour qu’elle me permette de vous révéler son nom et celui du maître-chanteur.
— Très bien, ma petite.

Silencieusement, il se leva et, sans mot dire, me baisa au front. Puis il sortit en me jetant un regard que je trouvai à la fois étrange et ironique.

À Suivre…

Abonnez-vous à mon Patreon pour en voir plus.

Vincent Deroy

Depuis août 2012, je fouille sur le web à la recherche des cas paranormaux les plus étranges pour le site www.paranormalqc.com dont je suis le Rédacteur en chef. J'ai toujours aimé les dessins-animées et les bandes-dessinées et je vous présente mes créations et mes coups de coeur.